VLP (Vive La peinture), est un collectif né en 1983 à l’initiative de deux peintres, Michel Espagnon et Jean Gabaret.
De manière constante ce groupe a toujours su préserver dans son écriture la fraîcheur et l’authenticité de son message ainsi qu’un goût irrépressible pour une certaine forme de provocation souvent teintée d’autodérision.
En fait depuis plus de trente ans, VLP n’a cessé de crier sa rage de peindre.
« Dans les fêtes rock, nous pratiquons des peintures performances dans une complète improvisation. Pour le plaisir, sans signature. Quelques temps après, Actuel, puis l’Echo des Savanes ont fait des articles sur des peintres anonymes. Alors nous sommes revenus dans les catacombes pour signer Vive La Peinture, qui en abréviation devient bientôt VLP. » (VLP, Ed. Critères, 2003)
Mais cette farouche volonté d’affirmer cette « foi picturale », il l’a d’abord expérimentée et initiée dans un lieu mythique de Paris, qui par anthropomorphisme peut être assimilé à un ventre puisqu’il s’agit des catacombes.
Lieu hautement symbolique s’il en est puisque la nécropole parisienne va devenir en quelque sorte l’espace mythique d’un ressourcement et d’une nouvelle naissance. Elle va permettre à ces deux artistes de créer leur propre « monde ».
Et donc au lieu de signifier la fin de la vie, ce carrefour des Morts, se transformera en un espace unique de ressourcement pour une nouvelle vie.
Occasion rêvée pour ces deux artistes de désapprendre tout ce qu’ils avaient appris aux Ecoles d’Art et de vivre dorénavant la peinture grâce à VLP comme une seconde naissance.
Car au départ, VLP n’était qu’un slogan pour tourner en dérision une certaine peinture qui dégoulinait.
Mais très vite en se définissant comme un groupe rock, ce collectif va casser les codes de la peinture traditionnelle.
Quitter l’atelier, aller dans les catacombes, dans les clubs et travailler à plusieurs pour rendre la peinture plus vivante.
Une nouvelle aventure sur les palissades
Après l’underground, VLP s’invite à l’extérieur dans une nouvelle aventure sur les palissades. Ce sera le cas notamment en 1984 avec une performance à l’Espace Diagonale d’Eugedio Alvaro à Montparnasse.
Le besoin de bouger et le désir de vivre pleinement une nouvelle vie caractérisent cette période picturale.
Laissant de côté l’académisme, VLP désire frénétiquement « chausser les bottes de l’aventure » et échanger les tubes de couleur pour des bombes aérosol.
Derrière toutes ces créations « sauvages », il y a un désir fort de fraterniser et de rassembler la mouvance graffitiste.
C’est d’ailleurs dans cet esprit que VLP organisera le premier festival des graffitistes et des fresquistes à Bondy en 1984.
Mais VLP va ensuite s’aventurer dans de nouvelles formes d’expression.
Le retour au néoprimitivisme
En effet tout en gardant cette liberté brute du graffiti, VLP va s’exprimer délibérément dans la lignée de l’art brut ou hip hop.
Ses œuvres sont souvent chargées de textes griffonnés et raturés. Mais ceux-ci vont toujours être accompagnés de dessins stylisés qui peuvent être à la fois spontanés ou composés de strates soigneusement construites.
Réalisations souvent déroutantes car des références diverses y apparaissent avec une allusion au rock ou à des personnages de la BD.
A l’évidence cela signifie aussi le retour d’un expressionnisme postmoderne.
Le collectif va volontairement brouiller les repères d’une école ou d’une vision unique. Il s’attache à maintenir ensemble le réalisme de l’abstraction et celui d’une figuration même partiellement voilée. Tout cela conduit à une œuvre où la bipolarité est pleinement assumée.
Avec en plus la gestuelle qui est utilisée pour ériger des signes et images et réduire souvent la peinture à un jeu de signes.
Warhol ne disait-il pas lui-même : « Je ne lis jamais, je regarde juste les images » ?
Vers « l’hyperréalité » ?
VLP serait le témoin privilégié de cette société postindustrielle où la réalité a disparu au profit de signes et d’images qui ne semblent plus avoir de rapports avec notre monde réel.
On vit effectivement dans un monde fait de signes, la publicité ne vendrait plus de produits mais un mode de vie et la politique, elle-même, n’aurait plus aucune prise sur le réel.
Jean Baudrillard, le maître à penser de l’analyse des médias, avait utilisé le terme d’ « hyperréalité » pour caractériser cet état où les objets et les actions réels sont supplantés par des « simulacres ».
On vit dorénavant dans un monde fabriqué, stéréotypé comme ces portraits sérigraphiés de Warhol, répétés en séries, pour affirmer la nature mécanique de leur reproduction et par voie de conséquence le devenir de notre monde qui nous échapperait.
Beaucoup d’artistes ont utilisé les effets de l’imagerie médiatique.
Pour sa part, VLP n’est pas resté en reste du mouvement. Avec la création de ZUMAN, qui a été créé par ordinateur à la base d’une collection de photos, ce profil va accompagner désormais toute l’action future de VLP.
L’effet ZUMAN
Ce profil à tête humaine est en réalité la figure anthropomorphe de VLP et va être associé à tous ses combats.
Mais à la différence des simulacres et des stéréotypes, ZUMAN a la prétention d’être plus qu’un logo ou une enseigne, car selon la volonté de VLP, il est un être qui vit !
A ce titre, dans les événements récents sur Paris, « Resist ! » de ZUMAN résonne comme un cri authentiquement humain pour contrer la barbarie terroriste.
De même au-delà d’une simple émotion, VLP veut promouvoir l’audacieux projet qui avait été énoncé par Keith Haring.
Comme ce génial artiste, VLP a la prétention de réaliser par la peinture un véritable miracle, celui de « transformer les émotions en mots, les mots en pensées et les pensées en images ».
Christian Schmitt (site web)